Ronsard, le mentor de l’amour !

Ecrit d’appropriation ; Ronsard, un coach personnel pour parler d’amour…

Dans la pièce Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand ( XIXe), le soldat Christian est bien désemparé pour parler d’amour à Roxane, une précieuse très exigeante… C’est alors Cyrano de Bergerac qui le remplace sous le balcon de Roxane et déclame son amour… Et si Christian s’était mis à lire Ronsard pour trouver de l’inspiration? Les élèves de seconde B ont imaginé un dialogue théâtral où on chercherait à convaincre Christian de prendre Ronsard pour mentor en amour. Voici le texte de Maëly !

CHRISTIAN : – Ô par pitié mon amie, faites moi la grâce de m’aider dans ce supplice où je m’enfonce un peu plus chaque fois que j’ouvre la bouche…

MAELY : Enfin, Christian, mon bon ami ! Que vous arrive-t-il donc ?

CHRISTIAN : Roxane, ma chère. Il m’arrive : Roxane…

MAELY : Que diable voulez-vous dire par cela ?

-CHRISTIAN : Je suis tombée pour elle.

-MAELY : Vous êtes tombée amoureux de Roxane ?!

CHRISTIAN : Hélas, oui…

MAELY : Mais enfin , c’est formidable ! Vous voilà enfin épris de tendresse pour une dame. C’est tout à fait remarquable ! Qu’y a-t-il de plus incroyable que l’amour ? Allons, pourquoi donc tant de défaitisme ?

CHRISTIAN :Oh ! mon amie, vous ne saisissez pas…

MAELY : Eh bien, j’attends. Expliquez-moi donc ce qui ne va pas !

CHRISTIAN : Mon cœur et mon esprit se languissent d’elle chaque seconde de ma vie….

MAELY : Sentiment exquis…

CHRISTIAN : Certes…

MAELY : Pardonnez-moi mon ami, je ne vous interromps plus désormais. Mais c’est que je vous envie de vous voir en proie à l’Amour et cela me rend toute joie de voir mon ami le plus cher y succomber enfin… Mais veuillez excuser mon manque de délicatesse, expliquez-vous, je vous en prie.

CHRISTIAN :Eh bien, eh bien. Je suis lamentable voilà tout.

MAELY : C’est-à-dire ?

CHRISTIAN : Eh bien ! Roxanne aime qu’on lui parle d’amour avec raffinement et grâce, et moi, je ne suis qu’un cadet sans esprit ni talent d’expression, un pauvre soldat ambitieux qui n’y connaît rien à l’Amour et qui voudrait conquérir une dame qui a déjà tant d’hommes à ses pieds, tous plus puissants et élégants les uns que les autres. Je n’ai pas l’étoffe d’un prétendant à ses yeux.

MAELY : Christian, vous êtes remarquable, voyons, cessez de vous rabaisser ainsi !

CHRISTIAN : Mais vous ne comprenez rien ! La seule chose capable de faire tomber Roxanne à son tour, ce sont les mots ! Mais je ne maîtrise point les mots aussi bien que l’épée, et me voilà désemparé.

MAELY : Allons, allons ! Respirez un grand coup. J’ai la solution.

CHRISTIAN :Vous avez une solution, vraiment ?

MAELY : Non, mon ami, je n’ai pas UNE solution… J’ai LA solution.

CHRISTIAN : Dites-moi, ne me faites pas languir, qu’est-ce ?

MAELY : Ronsard évidemment !

CHRISTIAN : Ronsard ?

MAELY : Mais oui mon cher, Ronsard. N’en n’avez-vous donc jamais ouï parler?

CHRISTIAN : Son nom m’évoque bien vaguement quelque chose mais toutefois… Non je ne perçois pas. Présentez-le moi, je vous en supplie.

MAELY : Aurai-je droit à quelque chose en échange ?

CHRISTIAN : Oh, eh bien, je…

-MAELY : Je plaisante voyons ! Je ne demande rien en échange, si ce n’est une profonde écoute de tout ce que je vais vous narrer…

CHRISTIAN : Tout ce que vous désirez, mais je vous en prie, sauvez-moi de ce mauvais pas.

MAELY : Fort bien, alors écoutez ;

« Pierre de Ronsard est un audacieux poète de cour touche-à-tout. Artiste de la Renaissance, il marque notre temps et est considéré comme  le premier poète lyrique français  explorant tous les genres.

CHRISTIAN : Mon amie, tout cela est fort intéressant, mais ça ne me rend pas poète courtois !

MAELY : J’y viens, j’y viens. Il se trouve donc que dans les recueils de ce cher Ronsard, recueils que je t’invite fortement à lire et que je te présenterai ultérieurement, ce n’est rien d’autre que la poésie amoureuse. C’est donc, en bonne et due forme, l’auteur qu’il te faut. S’il y en a un qui sait manier les mots aussi bien que tu ne manies l’épée, c’est bien lui ! De plus, tu auras l’embarras du choix face au style littéraire dont tu veux t’inspirer.

Ronsard avait au moins trois muses. Quand il écrivait pour la noble Cassandre Salviati dans  Les Amours , il faisait usage de sonnets pétrarquistes tellement savants qu’ils nécessitaient des Commentaires, mais écrivait aussi des odes, qui, je me dois de vous l’avouer, me plaisent tout particulièrement. Écoutez ça ; il a écrit par exemple « Le Petit Enfant Amour » une ode aussi définie de « chant lyrique », laquelle est construite sur la thématique de l’arroseur arrosé. Dans cette ode, il joue avec des figures mythologiques telles que Vénus et Cupidon. Ecoutez donc la plainte de Cupidon piqué par l’Amour :

 «Ma mère, voyez ma main,

Ce disait Amour tout plein

De pleurs, voyez quelle enflure

M’a fait une égratignure ! »  

De plus, il adopte un ton à dimension plutôt comique, en intégrant par exemple un jeu de mot savant avec « Mélissette ». Et enfin il offre sa propre image de l’Amour, ici à la fois fort et fragile.

CHRISTIAN : Je vois… Je ne dois donc pas hésiter à user de métaphores, de comparaisons et de références mythologiques.

-MAELY : Exactement ! Ne lésinez pas sur les figures de style et n’hésitez pas non plus à vous montrer comique et léger.

Bon, ensuite, toujours dans la comparaison, dans son ode « Mignonne allons voir si la rose », Ronsard compare Cassandre à une fleur. Quelle trouvaille ! En même temps qu’il fait l’éloge de la dame avec tendresse et intimité, il pousse la jeune fille à une méditation sur le temps qui passe. Presse-toi, jeune fille, de tomber sous le charme de l’amour avant de perdre ta beauté !

«  Cueillez, cueillez votre jeunesse

Comme à cette fleur, la vieillesse

Fera ternir votre beauté. » .

Toutefois je ne vous recommande pas cette méthode avec Roxane. Elle risque de se vexer. Par contre, suivez Ronsard dans sa façon de susciter les sentiments. A travers vos mots, votre objectif premier est de la séduire, de faire naître des émotions. Comblez-la de joie, faites la rougir, tourmentez la.

CHRISTIAN : Je ne sais pas si je suis capable de faire tout ça…

MAELY : Croyez en vous, c’est important. Vous y arriverez, faites-vous confiance Christian. A force de cotoyer Ronsard dans ses poèmes, ils deviendront une seconde langue. J’ai d’ailleurs une question pour vous.

CHRISTIAN : Je vous écoute?

MAELY : Comment se manifeste en vous le sentiment amoureux ? Est-ce douloureux ? Consumant ? Terrifiant ? Plaisant ? Tout cela à la fois ?

CHRISTIAN : Eh bien oui, il se trouve que je souffre, mais que c’est aussi très délicieux de se sentir désireux à ce point…

MAELY : Parfait ! Sans aucun doute mon second sonnet préféré de Ronsard ; « J’espère et crains, je me tais et supplie… » narre de la tension extrême du sentiment Amoureux, entre l’exaltation et le désespoir, semblable à la naissance et à la Mort ; « Cent fois je meurs, cent fois je prends naissance ». Ronsard ici utilise tant d’antithèses ; « Or’ je suis glace, et ores un feu chaud » illustrant la douleur et la douceur de l’Amour que c’en est vertigineux. La terrible souffrance amoureuse devient alors une expérience stimulante et jouissive. Dans sa douleur, le poète trouve une énergie nouvelle et puissante. « Plus je me pique, et plus je suis rétif

J’aime être libre, et veux être captif, ». Vous saurez parfaitement vous servir de vos maux pour combler Roxanne, j’en suis certaine. Dites-lui comment vous souffrez, à tel point que vous en devenez dépendant et que cela vous rend heureux. Et j’en viens à mon sonnet favoris ; « Amour ne me tue, et si je ne veux dire… ». Ronsard exprime sa dépendance à ce sentiment amoureux dont il ne peut et ne veut se défaire. Il ne désire point être sauvé de ce mal que peut être l’Amour « Tant j’ai grand peur qu’on veuille me secourir » et désire y baigner le plus longtemps possible car c’est dans son martyre qu’il se plaît et se retrouve aimé.« Mais je ne veux ma Dame requérir

Pour ma santé, tant me plaît mon martyre. », « Toute une nuit, folâtrement m’ayant

Entre ses bras, prodigue, ira payant / Les intérêts de ma peine avancée. »

Passons, retenez de ces exemples qu’il faut vous penchez sur vous même et vos émotions, livrez-vous à elle et mettez-vous à nu. Votre vulnérabilité saura la conquérir. Roxane veut que vous lui décriviez la façon dont vous l’aimez c’est cela ? Dans ce cas, utilisez des oxymores et exprimez ce qui vous ronge, c’est terriblement lyrique et attirant. Faites du nouveau, découvrez-vous un style, réinventez la poésie amoureuse comme a su le faire Ronsard. Et n’hésitez pas à vanter la beauté de l’être aimée, ainsi que sa grâce et sa supériorité. Mon ami, exposez-lui vos douleurs et vos envies.

CHRISTIAN : Vous aviez aussi parlé de deux autres muses autres que Cassandre, qui sont-elles ?

MAELY : Il y a Marie, qui entre en scène pour la première fois dans son sonnet « Marie, qui voudrait votre nom tourner ». Dedans, il incite cette dame à l’aimer, comme son nom l’y invite ; « : aimez-moi donc Marie, / Faites cela vers moi dont votre nom vous prie ».

Toujours pour Marie, il écrit d’autres poèmes, au caractère audacieux et comique, parlant de lui à la troisième personne, jouant de sa surdité, (Bien que vous surpassiez en grâce et en richesse… ; « Que lui pour vous ouïr, s’approche à votre oreille, / Et qu’il baise à tous coups votre bouche vermeille »), taquinant sa bien-aimée sur un ton de reproche léger (Mignonne, levez-vous, vous êtes paresseuse…) , employant l’alexandrin pour démontrer ses souffrances, sans ton plaintif cependant ? et usant de malice pour la faire tomber d’Amour pour lui, gentilhomme vendômois (« Quand je serais un Turc, un Arabe, ou un Scythe ,

Pauvre, captif, malade, et d’honneur dévêtu »…).

Il fait toujours usage de figures de styles et se montre toujours aussi franc et naturel. Il s’adresse directement à Marie, et utilise même la rhétorique ; « Ne sais-tu que Vénus (bien qu’elle fut divine)

Jadis pour son ami choisit bien un pasteur ? » Il n’attend ici aucune réponse, il vise seulement à lui exposer le fait qu’une déesse comme Vénus ait pu se prendre d’affection pour rien de plus qu’un pasteur…

Afin de plaire à Marie, il écrira même des histoires, des anecdotes, des courts récits dialogués tel qu’« Amour, voyant du ciel un pécheur sur la mer… » dans lequel il use de références Antiques et mythologiques, opposant cette fois l’eau et le feu, rendant hommage au pouvoir de séduction suprême de Marie ; « -N’ayez pas peur, dit Amour, car je n’ai plus de feu,

Tout le feu que j’avais est aux yeux de Marie. ».

Et enfin il y a Hélène de Surgères, qui l’inspire plus dans ses mots que dans ses sentiments. Dans « Sonnets pour Hélène » Ronsard se trouve être un poète de l’amour, non pas un poète amoureux. Il écrit alors sur lui, glorifiant sa puissance poétique. Il chante son art, sa suprématie, mais pas grand-chose à propos d’Hélène, si ce n’est les regrets qu’elle éprouvera lorsque qu’elle sera vieille et lui mort ; « Quand vous serez bien vieille, un soir à la chandelle… « Regrettant mon amour et votre fier dédain ».

Il offre même une variation du Carpe Diem, afin d’échapper aux regrets de sa vieillesse. « Sonnets pour Hélène » retrace ses amours et vante l’immortalité de son art.

Eh bien voilà…

CHRISTIAN : Bien sûr, et cela grâce à vous. Je vais me procurer les œuvres de Ronsard de ce pas et faire de lui mon mentor…

Mon tendre ami… Je ne puis vous aider davantage. Seulement, vous savez ce qu’il vous reste à faire désormais, n’est ce pas ?

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