Théâtre : Le jeu de l’amour et du hasard au théâtre à l’Italienne

Le Jeu de l’amour et du hasard est une pièce de Marivaux très célèbre, parue au 18e siècle, siècle des Lumières. Cette comédie écrite en prose invite le spectateur à se questionner sur les différences entre les classes sociales. En effet, dans cette pièce, des aristocrates et leurs serviteurs échangent leur rôle et tentent de ressembler à un membre de la classe sociale opposée. Cela est très comique puisqu’ils exagèrent en tout point leurs gestes et leurs propos. Marivaux s’amuse des codes sociaux à travers les caricatures qu’offrent de leurs maîtres les serviteurs, mais de même ils ridiculise les valets, incapables d’égaler leurs maîtres. Par un heureux hasard, l’amour déjoue les apparences sous l’œil rieur du père qui sait tout ; les couples s’unissent comme par enchantement: un véritable conte de fée ; l’aristocrate saura reconnaître son égale déguisée en soubrette et les domestiques tombent amoureux l’un de l’autre dans leurs beaux atours.
Le décor plus suggestif que réaliste évoquait bien le 18e siècle, grâce aux quelques meubles et objets hétéroclites d’un côté qui faisait penser à un cabinet de curiosité et de l’autre un jardin à la Watteau. Souvent, les personnages se retrouvaient seuls dans le jardin, exprimant leurs sentiments.
Le simple fait d’être allée au théâtre à l’Italienne est un vrai plaisir, car l’intérieur même est grandiose ! Quant à la pièce, j’ai vraiment apprécié que les acteurs laissent intact le texte de Marivaux et qu’ils le mettent en scène avec beaucoup de naturel. Mais, quelquefois, le ridicule était un peu trop exagéré, même si l’on rit beaucoup durant cette pièce.
Romane Hamonet


J’ai aimé la représentation de Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, mis en scène par Benoît Lambert..
J’ai apprécié que les costumes soient plus actuels, en particulier ceux des personnages principaux ; Silvia, Lisette, Dorante et Bourguignon. Même si les costumes du père et du frère de Silvia étaient plus « datés », cela ne crée pas de contraste choquant car ces acteurs incarnaient des personnages plus « âgés ». Ces costumes pouvaient contribuer à l’idée qu’ils étaient les plus sages donc les plus lucides par rapport aux événements qui se déroulaient. Ils étaient à l’écart du groupe de jeune gens car ils n’étaient que des spectateurs de la farce.
Les décors semblaient être réalistes grâce au jardin en faux gazon, aux arbres, aux buissons et au salon avec ses tables, lampes et son divan. Ils servaient plus d’écrin que d’élément maître dans le jeu des acteurs. Les décors correspondaient à l’esthétique du XIX ème siècle. En effet, les éléments tels que la tonnelle au fond de scène, le « préau » avec les plantes grimpantes et la lumière bleue contribuaient à créer un cadre bucolique. Cependant, côté cour, les décors étaient agencés avec un mobilier d’une époque plus marquée. La scénographie côté cour était, peut-être, une référence aux origines de la pièce et à son auteur. J’ai aussi pris beaucoup de plaisir à voir l’acteur du père de Silvia et le comédien dans le rôle de Mario jouer car la joie qu’ils ressentaient sur scène se transmettait aux spectateurs. De plus, le père de Silvia et son frère prenaient un malin plaisir à la mettre dans des positions embarrassantes et à lui jouer de mauvais tours. Certes, ils étaient les doyens mais ils semblaient être les plus enfantins de la famille. En effet, dès le début de la pièce Mario et son père sont vus comme des farceurs qui souhaitent donner une leçon aux jeunes bourgeois par l’intermédiaire de situation cocasse. De plus, les jeunes gens se rendent ridicules en tentant de jouer un rôle qui n’est pas le leur. Cette dernière conduit à une scène (faussement) tragique comme lorsque Silvia s’avoue à elle-même les sentiments qu’elle a pour Dorante. Elle s’isole sur le devant de la scène, de la fumée s’engouffre sur le plateau et la lumière est tamisée. Cependant aucun événement dramatique ne peut justifier l’utilisation de ces éléments issus d’une tragédie ; dès lors, Silvia est décrédibilisée et la scène devient risible. En addition, les élans des deux hommes fous d’amours étaient si « grandiloquents », démesurés qu’ils en devenaient ridicules. Notamment lors de la scène où Dorante se jette sur la pelouse, s’agrippe aux jambes de Silvia ou encore lorsque Bourguignon attrape la main de Lisette et ne souhaite plus la lâcher. Les personnages de Lisette et de Bourguignon sont ceux qui m’ont fait le plus sourire. Lisette souhaite faire du mieux qu’elle peut pour satisfaire les demandes de sa maîtresse, mais sa naïveté, doublée de sa voix d’enfant, la rendent quelque peu bête. Cependant, c’est pour cela que ce personnage « niais » est attachant, on rit d’elle mais on lui pardonne ses maladresses. Bourguignon, lui, est comique car il pense avoir de bonnes manières, être un aristocrate distingué mais son comportement trahit son rang dans la société. On se moque de lui ; les spectateurs et les acteurs ; le père de Silvia et Mario, notamment lorsqu’il effectue ses révérences excessives, plié en deux, bras tendus en l’air. Il joue le noble orgueilleux devant les autres et donne des ordres à son maître. Mais lorsqu’il se retrouve tout seul, face à Dorante, il essaye de fuir ce qui crée un renversement de situation amusant. De surcroît, la musique classique entre chaque acte rajoute une touche humoristique à la pièce car il y a un décalage entre la musique qui est sérieuse et les sottises que font les personnages.
Les acteurs sont dynamiques, surtout Dorante et Bourguignon, car l’un se jette au sol pour éprouver son malheur et l’autre court pour échapper aux coups de Dorante. Les acteurs communiquent verbalement mais également physiquement. En effet, il y a plusieurs contacts entre les personnages. Par exemple, le père de Silvia tient la main de cette dernière pour lui prouver sa fausse compassion, lorsqu’elle lui avoue qu’elle aime Dorante. Ainsi les jeux de regards entre le père et le fils fusent.
Les comédiens jouant Arlequin, Mario ou le père étaient fortement maquillés comme à l’époque de Marivaux, c’est-à-dire qu’ils avaient le visage poudré, des joues roses grâce au maquillage et même le père arborait une mouche.
La musique classique rappelait l’époque de création de la pièce mais sa vitesse pouvait aussi symboliser le rythme envolé caractéristique de la comédie.
Le spectacle avait une dimension « surréaliste » car il est pratiquement impossible que les deux jeunes gens aient eu exactement la même idée au même moment.
Cependant quelques aspects de la pièce m’ont déplu. Certains acteurs, par moments, parlaient trop vite. Toutefois, cela n’était pas grave car cela ne nuisait pas à la compréhension de la suite des scènes. Un autre élément m’a dérangée ; la place que j’occupais se situait à l’extrémité droite du troisième rang. Ce désagrément est dû au hasard et en aucun cas je ne mets le théâtre ou encore la pièce en porte à faux. Cependant, je pense que c’est un paramètre qu’il ne faut pas négliger car il peut mettre le spectateur dans certaine prédisposition. Le théâtre est un art qui s’écoute mais qui se regarde avant tout. Néanmoins et heureusement pour moi les acteurs n’ont pas beaucoup utilisé le fond de scène côté cour. J’ai trouvé le personnage de Silvia quelque peu énervant. Elle est une aristocrate pleine d’orgueil, elle semble mépriser les autres. Elle se moque des autres à leur dépens alors que quelques instants plus tôt, elle-même, croyait à la farce et était prise dans le jeu. Ensuite, Dorante, qui lui aussi est un noble, se trouve quelque peu ébranlé de savoir qu’il aime une (fausse) servante mais l’accepte. Il lui dit qu’il peut renoncer à tout pour elle mais Silvia, elle n’approuve pas cette idée et le renie. Silvia continue son manège lorsqu’elle sait que Dorante est lui aussi un noble, elle se laisse désirer. Je trouve cela cruel car Dorante lui ouvre son cœur, mais elle ne fait aucun effort et le laisse avec ses doutes. Elle souhaite avoir toute l’attention de Dorante, quitte à le perdre.

Pour conclure, Benoît Lambert a réussi le défi de rendre attractif et de remettre au goût du jour une pièce de 1730. C’est pourquoi, je recommande cette comédie.

Jade Prin
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